Bruxelles, le 14 octobre 2020
Note à l’attention de Monsieur Gianlucca Brunetti,
Secrétaire général du Comité Economique et Social Européen
D’une part, R&D salue la décision de la commission CONT proposant au PE de refuser définitivement la décharge 2018 au CESE
En effet, cette décision confirme en tout point le bien fondé de nos prises de positions exprimées en tout dernier lieu à la veille de la réunion de la commission CONT concernant l’inaction de l’administration du CESE se limitant à des promesses vides et des engagements jamais suivis d’effets ( lien).
Comme R&Dl’avait dénoncé, en réalité, presque tout reste encore à faire quant à la protection des victimes, la révision profonde des procédures et des pratiques concernant la lutte contre toute forme de harcèlement, la réforme du code de conduite… !
D’autre part, R&D apprécie au plus haut point la prise de position et les réserves clairement exprimées par la Commission concernant la candidature de M. Krawczyk pour son renouvellement en tant que membre du CESE pour le prochain mandat
Il s’agit là d’une prise de position pleinement justifiée de notre institution qui ne met nullement en cause la présomption d’innocence, confirmant la gravité de la situation et visant à défendre les droits du personnel et la réputation du CESE, ce que son administration n’est de toute évidence pas capable d’assurer.
En effet, comme la Commission l’a indiqué en motivant son avis critique :
« Le traité [UE] confère à la Commission la responsabilité de fournir un avis au Conseil avant que celui-ci ne puisse nommer des membres » du CESE
S’il est vrai que le processus consistait généralement à vérifier si les candidats au CESE représentent des employeurs, des travailleurs ou des organisations civiles et s’ils n’ont pas de conflits d’intérêts, toutefois, il semble approprié que la Commission fasse également d’autres considérations pertinentes, dans le but général de préserver la réputation, l’intégrité et les conditions de travail de toutes les institutions et organes de l’UE ainsi que de leur personnel ».
Nous attendons à présent la décision finale du Conseil.
Quoi qu’il en soit, le constat est désormais clair : avec l’administration actuelle au CESE il devient chaque jour plus difficile d’espérer que les choses puissent changer véritablement !
Qu’il nous soit permis de demander :
« Quousque tandem abutere patientia nostra? »
Q/A pour mieux comprendre « l’affaire CESE »
Dans la mesure où malgré la multitude de questions que nous avons posées, il n’est toujours pas possible d’obtenir une quelconque réponse utile de votre part et du Président Jahier, aussi afin de répondre aux interrogations qui nous ont été adressées de toute part dans le but de comprendre comment le CESE « a pu en arriver là », nous avons décidé non seulement de faire état de ces questions mais aussi de formuler nous-mêmes les réponses. Nous restons naturellement à votre entière disposition au cas où nos réponses ne devraient pas vous convenir et que vous souhaiteriez y apporter des précisions.
1) Pourquoi la Commission CONT en est arrivée à proposer de refuser la décharge 2018 au CESE?
Voici le communiqué de presse issu à cet égard :
« Comité économique et social européen : lenteur des progrès dans la correction des actes répréhensibles
Par 25 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions, les députés européens ont recommandé le refus du PE d’accorder la décharge au Comité économique et social européen (CESE), en soulignant leur déception face à la lenteur des progrès du CESE dans la résolution et la rectification d’un cas de harcèlement de haut niveau signalé par l’OLAF en 2020.
« Par notre décision au sein de la commission du contrôle budgétaire, nous voulons souligner que nous ne pouvons pas accorder la décharge si nous ne constatons aucune amélioration sur le terrain. Les deux projets – l’aide aux victimes afin qu’elles puissent reprendre leur travail dans leurs fonctions précédentes, ainsi qu’une réforme du code de conduite des membres du CESE – ne sont restés que sur le papier », a déclaré le rapporteur Tomáš Zdechovský (PPE, CZ) après le vote » ( lien)
2) Dans quelles conditions le PE peut-il refuser la décharge et dans un tel cas quelles ont été par le passé les conséquences qui ont pu en découler ?
Si la décharge est ajournée ou refusée, si les comptes d’une agence ou d’une institution ne sont pas clairs, la commission du contrôle budgétaire doit donner ses recommandations avant de relancer une décharge budgétaire.
Si l’institution ou l’agence concernée ne prend aucune mesure pour améliorer la situation d’ici l’automne, le Parlement peut décider de refuser la décharge. C’est ce que la Commission CONT a décidé de proposer au PE concernant la décharge 2018 du CESE et qui fera l’objet d’un vote lors de la séance plénière de ce mois.
Pour apprécier les conséquences pouvant découler d’une telle décision, il est important notamment de rappeler que le Parlement européen a refusé d’accorder la décharge 1996 à la Commission, ce qui engendra la démission de la Commission Santer et pour les années 2016 et 2017 au Bureau européen d’appui en matière d’asile basé à Malte, ce qui a finalement conduit à des changements dans sa gestion et dans sa structure organisationnelle et à la démission du Directeur de l’agence.
3) Dans ces conditions, l’administration actuelle du CESE peut-elle être encore crédible pour mettre en œuvre les changements profonds que le PE demande ?
Qu’il nous soit permis d’en douter. Il est en effet difficile de le croire dans la mesure où les changements profonds requis concernent des problèmes que cette administration a toujours fermement niés. En réponse aux démarches de R&Den soutien aux victimes et même face aux conclusions accablantes du rapport de l’OLAF, l’administration du CESE n’a eu de cesse de nier l’existence de tout problème. Et, suivant les propos ubuesques de M. Krawczyk, elle a même laissé croire qu’il s’agissait là d’un « complot politique » manigancé par les ennemis du CESE et par le « méchant loup » (sic !) que serait le PE.
Comme nous l’avons toujours indiqué et comme les membres de la Commission CONT l’ont rappelé à très juste titre, depuis des années, dans le cadre de l’exercice de la décharge, l’administration du CESE garantit au Parlement européen l’efficacité de ses procédures en matière de lutte contre toute forme de harcèlement et se vante de sa stratégie de « soi-disant tolérance zéro ».
Or, il est maintenant évident que malgré les recommandations précises et répétées du Parlement européen l’invitant instamment à introduire des règles et des procédures efficaces concernant notamment les membres impliqués dans des cas de harcèlement, au CESE rien n’a été véritablement fait et seuls des progrès absolument minimes ont été obtenus au cours des dernières années.
Un déni de réalité absolu…
Comment ne pas rappeler ici pour la énième fois vos prises de positions répétées ainsi que celles du Président, M. Jahier, visant à revendiquer le caractère absolument exemplaire des procédures en place au CESE pour lutter contre toute forme de harcèlement, l’excellence de la stratégie de tolérance zéro, le rôle du CESE en tant que pionnier ?
Ceci alors que le rapport OLAF a fait état de 13 cas entre harcèlement et autres comportements inappropriés ! Des cas tellement graves ayant amené le procureur du Roi belge à ouvrir immédiatement une procédure judiciaire !
De même, comment oublier vos réactions outrées niant le bien-fondé de nos démarches en nous accusant de jeter l’opprobre sur le CESE, ou alors les injonctions de ne plus déranger ses membres.
Déni de réalité et de la vérité couronné par le rapport sur les Politiques des Ressources Humaines 2019 qui vient d’être publié…
En effet, le rapport annuel 2019 sur les Politiques des Ressources Humaines au Secrétariat général du CESE, qui vient d’être présenté, ne mentionne aucunement la gravité des faits auxquels le CESE est confronté.
Seuls trois malheureux paragraphes consacrés à la « Dignité au travail » qui ne couvrent même pas une demie page dans un rapport qui en compte 87.
Et que trouve-t-on dans ces trois paragraphes ? « Le CESE continue à apporter la preuve de son engagement résolu en vue de prévenir et/ou combattre le harcèlement. Le Comité a mis en place un réseau de personnes de confiance à cet effet dès 2015… En 2019, le CESE a ouvert deux enquêtes administratives sur les questions liées au harcèlement, à la suite de plusieurs alertes éthiques. Des mesures appropriées ont été prises, le cas échéant, pour protéger les victimes potentielles et les lanceurs d’alerte. »
On croit rêver !
Un tel rapport et de tels propos alors que le CESE est, la SEULE institution européenne ayant fait l’objet de 13 constats de maltraitance au travail repris dans le rapport de l’OLAF incluant des cas de harcèlement avérés, des comportements gravement inappropriés et d’autres comportements inappropriés… qui ont eu cours pendant plusieurs années ; la SEULE institution européenne ayant à son actif des dossiers relevant de cas de harcèlement transmis à l’autorité judiciaire de l’État membre d’accueil qui a immédiatement ouvert une procédure ; la SEULE institution européenne à se voir refuser pour ces raisons la décharge par la Commission CONT et éventuellement par le Parlement européen.
…et en tout dernier lieu par l’audition du nouveau Directeur des Ressources Humaines du CESE devant la commission CONT
Pour illustrer une fois pour toutes le déni de réalité systématique de l’administration du CESE, quel que soit son représentant, il suffit de se référer à l’audition du 3 septembre dernier devant la commission CONT du nouveau Directeur RH du CESE qui vient d’être nommé il y a quelques mois à peine mais qui semble s’être très rapidement convaincu à son tour que « tout va toujours très bien au CESE ».
En effet, en déclinant par cœur le refrain « tout va bien au sein du CESE et tout mais vraiment tout a absolument été fait pour mettre en place des procédures efficaces et pour protéger et assister les victimes », lors de son audition, à notre plus grand étonnement, il a purement et simplement oublié de mentionner que les victimes ont reçu si peu d’assistance et de protection qu’elles ont été contraintes d’introduire des réclamations formelles pour contester l’absence de réponse et de suivi réservée à leurs demandes !
Ainsi, il est particulièrement inquiétant que dans le cadre d’une procédure si sensible comme la décharge, le CESE ayant déjà subi une décision de report de la part du PE, une information incorrecte ou pour le moins incomplète ait été ainsi fournie à une Commission du Parlement européen. Il ne s’agit pas ici de mettre en cause un collègue qui vient d’arriver au sein du CESE dans des conditions plus que difficiles, dont nous avons apprécié les qualités dans ses fonctions antérieures et qui est appelé à présent à défendre un dossier indéfendable dont il a hérité, à son corps défendant.
Néanmoins, cet épisode, à nos yeux particulièrement préoccupant et presque désespérant, illustre parfaitement l’ampleur des obstacles à surmonter pour parvenir à un véritable changement de culture et de pratiques au sein du CESE.
Quoi qu’il en soit, le résultat de cette audition a été la prise de position très dure adoptée par la suite par la même commission CONT qui a démenti in toto les assurances données et dénoncé comme indiqué par le rapporteur pour la décharge 2018 du CESE (cfr supra).
En confirmant en tout point ce que j’avais mentionné dans ma note à votre attention en date du 21 septembre dernier ( lien), à savoir :
« En effet, nous déplorons que malgré toutes les assurances données par le CESE, dans les faits, les victimes n’ont pas été véritablement prises en charge. Hormis les mots, très peu d’actions concrètes ont été mises en place. Les victimes attendent, encore et toujours, des réponses et des actes tangibles »
Et que :
« Au CESE, il existe un code de bonne conduite absolument inadéquat qu’il faut réformer de toute urgence sans se cacher derrière des alibis pseudo-juridiques ! »
4) L’administration du CESE prétendant avoir toujours tout mis en œuvre pour éviter les faits graves constatés par l’OLAF, quelles mesures ont été prises suite à l’arrêt de la Cour du 12 mai 2016 (Affaire F-50/15 FS contre CESE), ayant déjà fait état d’un rapport d’enquête au sein du CESE qui précisait que « le style de gestion qui est celui de M. K. ne correspondait pas complètement, sur certains aspects, à la culture administrative du service public européen » en précisant « qu’il serait souhaitable que l’administration du CESE envisage un dispositif … pour familiariser les AHCC des groupes du CESE avec les principes et les règles essentiels de la culture administrative de l’Union, ainsi qu’avec les principaux problèmes qui se posent »?
En effet, comme nous l’avons sans cesse indiqué et comme confirmé par la Commission CONT cet arrêt de 2016 aurait dû servir de leçon au CESE, aurait dû le pousser à mettre en place des procédures véritablement efficaces pour éviter les faits graves dénoncés par R&Det confirmés par l’OLAF.
Tout au contraire, il est incontestable que les mesures de lutte contre le harcèlement mises en place au sein du comité n’ont pas permis de s’attaquer à ces cas et d’y remédier sans doute aussi en raison de la position élevée du membre concerné. De même, les mesures prises pour protéger les victimes jusqu’à la fin de l’enquête de l’OLAF ont été pour le moins improvisées et insuffisantes.
Comme la Commission CONT le souligne à très juste titre, les lacunes incontestables des procédures internes bien loin d’être exemplaires comme vous l’avez sans cesse prétendu, ont été aggravées par l’inaction de l’administration du Comité qui s’est traduite par un manquement au devoir de diligence et à l’obligation de faire rapport à l’OLAF en obligeant les victimes avec le soutien de R&Dà saisir l’OLAF de leur propre chef !
Et maintenant même M. Krawczyk confirme que l’administration du CESE n’a rien fait !
Quoi qu’il en soit, pour apprécier à sa juste valeur l’ampleur des efforts mis en place par l’administration du CESE pour prévenir les faits graves dénoncés par R&Det constatés par l’OLAF, il convient de laisser M. Krawczyk répondre à cette question :
« Pendant toutes ces années, le secrétaire général, les RH et l’administration du CESE n’ont jamais signalé que ma gestion du personnel ou mon comportement envers les membres du Groupe et du CESE étaient peut-être inappropriés » ( lien ).
L’inaction de l’administration du CESE c’est peut-être le seul constat que M. Krawczyk partage avec nous et avec les victimes !
Qui plus est, ces déclarations de M. Krawczyk démentent in toto vos assurances visant à confirmer que :
« J’ai toujours traité ce sujet avec la plus grande importance, tant en tant que secrétaire général qu’en tant que directeur des ressources humaines, avec une approche de tolérance zéro ».
Et dans ces conditions M. Krawczyk confirme aussi au nom des membres du groupe 1 au CESE :
« L’enquête de l’OLAF nous a frappés, moi et les membres du groupe, comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu »
Et aussi grâce à l’inaction de l’administration du CESE si le ciel pour M. Krawczyk était toujours bleu, celui des victimes devenait de plus en plus sombre !
Le site internet du CESE « au service » de M. Krawczyk
Comme si cela n’était pas assez, pour apprécier ce climat d’impunité qui règne au sein du CESE nous partageons en tout point l’étonnement des membres de la Commission CONT concernant le fait que le site internet du Comité ait été utilisé pour publier une déclaration de M. Krawczyk en sa qualité de président du groupe I illustrant les arguments à la base de sa défense avec la circonstance aggravante que des affaires sont soit déjà pendantes soit attendues devant les autorités judiciaires de l’Union et les autorités belges
Conclusion
Avec les collègues de toutes les institutions qui nous ont sincèrement remerciés pour notre détermination dans la défense des droits des victimes, nous attendons à présent la décision de la plénière du Parlement européen concernant la décharge 2018.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons que confirmer que toute la gestion de ce dossier, les dénis de réalité …tout laisse craindre qu’avec l’administration actuelle du CESE les choses ne changeront jamais véritablement au sein de cette institution.
En effet, il ne faut pas oublier que seuls le soutien offert par R&Daux victimes saisissant de leur propre chef l’OLAF, les résultats de l’enquête de l’OLAF confirmant toute la gravité de ces faits, les décisions de la Commission CONT du Parlement européen dans le cadre de la décharge 2018 et maintenant de la Commission concernant le renouvellement du mandat de M. Krawczyk, SEULES ces interventions ont permis de mettre enfin en lumière toute la gravité de la situation que le CESE a toujours niée.
C’est aussi uniquement grâce à ces interventions qu’il a été enfin clair qu’il était urgent de changer profondément les procédures et les pratiques, dont avec le Président Jahier vous aviez toujours vanté le caractère exemplaire. En étant de toute évidence les seuls à y croire.
Et c’est grâce à ces interventions qu’il a été possible d’assurer enfin la véritable défense des victimes et aussi celle de la réputation de cette institution. Ce que l’administration du CESE n’avait de toute évidence pas été capable d’assurer.
Nous continuerons naturellement à suivre ce dossier et à assister les victimes des faits de harcèlement et de comportements inappropriés pour que leurs droits soient enfin reconnus et que les préjudices subis soient enfin réparés.
Beaucoup reste encore à faire et nous le ferons avec une détermination encore plus grande.
Cristiano Sebastiani,
Président
CC.
M. Jahier, Président du CESE
M. M. Krawczyk Président du groupe I au CESE
M. Ropke Président du groupe II au CESE
M. Metzler Président du groupe III au CESE
M. Guillard Directeur RH du CESE
Mmes et MM les Membres du CESE
M. Sassoli, Président du PE
Mme Hohlmeier, Présidente et Mmes et MM les Vice-présidents et Membres de la Commission de Contrôle budgétaire du Parlement européen
Mme O’Reilly, Médiatrice européenne
M. Tranholm-Mikkelsen, Secretaire Général du Conseil de l’UE
Mme Juhansone, Secretaire-Générale de la Commission européenne
M. Itälä, Directeur général de l’OLAF
Mme Nicolaie, Directeur IDOC
Personnel des Institutions